Accueil » Partie 1 – Basse-Terre – Anelle
Anelle grandit avec le don de Perception. Ce don lui permettait notamment de voir les dons des autres personnes, mais aussi leurs intentions à son égard. Cette capacité étant parmi les plus prestigieuse, Anelle a depuis son enfance, vécu une vie d’entraînement et de pression sociale pour lui permettre de servir au mieux le royaume, accomplissant dès son adolescence des missions de reconnaissances afin de connaître les intentions du peuple ou de groupes de personnes à l’encontre de la famille royale.
À plusieurs reprises elle permit de protéger les siens et étonna bien davantage son entourage quand elle montra qu’en plus de percevoir les dons et intentions, elle était capable de copier momentanément les capacités d’un individu qu’elle avait en face d’elle.
Sans en comprendre la véritable signification, le roi, son propre père, l’a fit s’entraîner avec les plus grands guerriers et les érudits les plus cultivés afin qu’elle puisse profondément développer ses facultés.
Un beau jour, tandis qu’elle s’entraînait à huit clos avec l’un de ses aînés, elle découvrir ses intentions imperceptibles de prime abord, mais pourtant si clair au cœur de ses rêves. Ce grand guerrier, héros d’une époque révolue avait pour dessin funeste de s’en prendre à sa vie ainsi qu’à celle de sa famille le jour de ses 12 ans. Elle explorait ce monde de l’invisible, un monde de rêve où elle pouvait se mouvoir et interagir avec les âmes des gens sans qu’ils n’en soient eux-même conscients.
Quand elle compta ses rêves à son père, ce dernier n’en crut pas un mot. La Perception, bien qu’un don Primordial et adoré de la noblesse, ne permettait pas de comprendre les intentions d’autrui à travers les rêves, et songea alors qu’elle était encore trop jeune pour maîtriser un don si unique et noble.
Quand le jour de son douzième anniversaire arriva, elle avait acquise le maniement de l’épée au point qu’elle aurait battu n’importe quel légionnaire. Mais son aîné disposait d’une forte énergie de son don de Guerrier ce qui lui permettait de réaliser des frappes dévastatrice qu’elle ne pouvait ni copier ni parer.
Quand sa famille se réunit enfin pour célébrer ce jour festif au palais, le soldat se tenait non loin du roi, aux côtés de sa mère et du dauphin. Bien qu’Anelle n’arrivait pas à discerner les intentions meurtrières du soldat en le regardant simplement, ni les autres Perceptistes autour d’elle, elle savait que son âme quant à elle était rivé e sur cet instant, et que d’un moment à l’autre il agirait pour leur ôter la vie.
Les mains de la jeune fille tremblèrent d’effroi et elle sentait que le malheur était à portée de l’épée du soldat. Tandis que son père, le roi, contait toutes les bienfaisances que le don de sa fille allait apporter à la société, cette dernière compris que son don de Perception ne sauverait personne aujourd’hui. Et ce qu’elle n’osa jamais entreprendre par le passé, était devenu nécessaire à cet instant.
Elle ferma alors ses yeux, se concentrant sur le monde des rêves, son enveloppe spirituelle se connecta à cet univers étrangement serein qui s’écoulait en parallèle du monde réel et approcha l’âme du soldat.
Les gens autour d’elle, ainsi que son propre père et sa famille n’étaient que des silhouettes d’énergies, de couleurs variées reflétant celle de leur don respectif. Mais à l’inverse des individus qui réagissaient et parlaient, dans ce monde invisible Anelle était la seule à pouvoir interagir avec l’enveloppe des autres. Elle pouvait matérialiser les objets qu’elle souhaitait au cœur de ce monde éthérique et se mouvoir à sa convenance comme si son enveloppe de rêve n’était pas directement accrochée à son enveloppe réelle.
Quand elle rouvrit les yeux, la coupe de vin qu’elle tenait fébrile entre ses mains, tomba sur le sol, renverser par l’agonie du garde royal qui s’était d’abord approché d’elle avant de s’effondrer, la fixant d’un dernier regard avant de sombrer définitivement dans la mort.
Anelle se mit à pleurer, non de tristesse mais de dégoût pour ce qu’elle avait dû faire, pour ce qu’elle avait réussit à faire. Assassiner son assassin sans n’émettre aucune blessure physique, si ce n’est celle de transpercer l’âme de son agresseur. Un dégoût profond l’envahi tandis que tous se ruèrent sur la victime, s’attristant de la situation, craignant que quelqu’un en veuille à la famille royale et que le garde ait rendu un dernier souffle pour les protéger.
Les semaines qui suivirent, tandis que les siens pleuraient un grand guerrier et que la ville érigeait en son honneur de grandes statues et organisait d’importantes cérémonies, Anelle savait que cet homme aurait pu tous les tuer ce jour de fête, et qu’aucune de ces manifestations n’auraient dû avoir lieu.
L’École Royale des Cultistes
Anelle avait tût sa voix depuis ce jour, et ce pendant près de deux années consécutives. Son père ne comprenait pas ce qui lui était arrivé, pensant tout d’abord qu’elle avait été sous le choc que son mentor soit décédé le jour de son anniversaire.
Mais ce n’est que bien plus tard, tandis qu’il rêvait profondément, qu’il fut persuadé de croiser sa propre fille dans son rêve. Elle pleurait comme il ne l’avait jamais vu pleurer, assise sur les marches du palais, se tenant le visage entre ses mains. Il se souvint de s’en être approché, désolé de voir la princesse dans cet état sans qu’il n’en sache la raison, et quand il lui posa la main sur l’épaule, Anelle se retourna d’un regard profond de colère et de déception en regardant fixement son père.
Au réveil, le roi était persuadé que ce rêve n’en était pas réellement un. Et les jours et les semaines qui suivirent, il observa avec quelle distance sa propre fille se détachait du père qu’elle idolâtrait pourtant auparavant.
Et bien qu’elle déjoua encore de nombreux assassinats, les autres Perceptistes du palais rapportaient au roi qu’ils n’en avaient pourtant jamais été témoin d’aucune façon, se demandant si Anelle n’inventait pas des ennemis de l’empire au fil du temps.
Déchiré, le roi proposa à sa fille de s’éloigner du palais en prétextant de continuer son entraînement et de devenir l’œil le plus affûté du royaume en étant à la direction de l’École Royale de Cultistes. Là-bas, des élèves du monde entier se réunissaient pour étudier et maîtriser leur don. C’était le lieu le plus à même de révéler des intentions funestes et de traitrises à l’encontre de la famille royale.
Bien que le roi et la reine étaient en peine à l’idée que leur propre fille pouvait être un danger pour leur propre royaume, ils décidèrent que c’était la meilleure chose à faire pour protéger la cour et le prince.
- Professeure, demanda un élève en classe de deuxième année, pourquoi n’avons-nous jamais vu la directrice depuis notre sélection ?
- Bentia, la directrice est une personne très sage. Elle s’entraîne à huit clos depuis deux ans. Elle dispose d’un grand pouvoir mais ses responsabilités sont bien au-delà de celle de directrice de l’école.
- L’avez-vous déjà rencontré madame ?
La femme se tût un instant pour réfléchir à la question et après un bref instant, elle reprid tranquillement :
- Non, ça ne m’est encore jamais arrivé de la croiser. Mais j’ai rencontré le roi en personne. Il nous a expliqué à tous que la princesse, bien que très jeune, serait la nouvelle directrice de l’établissement. Que ses capacités étaient vouées à être reconnues dans tout le royaume.
Les élèves se mirent à murmurer les uns avec les autres, se demandant quel âge pouvait bien avoir la princesse que même les professeurs considéraient comme leur aînée. Mais en demandant un peu de silence, l’enseignante reprit le cours.
Plus tard, tandis que les professeurs se réunirent pour une réunion hebdomadaire où ils parlaient des avancées des élèves, le professeur forgeron expliqua avoir reçu une lettre de recommandation d’un confrère pour un élève tout à fait atypique. Il continua avec grand sourire que le jeune homme était devenu Maître Forgeron en l’espace de quatre ans et qu’il était déjà capable de forger des armes et objets avancés.
Coupé dans son élan, le forgeron laissa la parole à la professeur de cultisme de seconde année, qui demanda s’il y avait des nouvelles de la directrice.
- J’ai vu le roi le mois dernier, lorsqu’il invita tous les Perceptistes au palais, et… même si je ne devrais pas en parler, il s’avère que cela fait deux ans qu’il n’y a plus eu de tentatives d’assassinats à l’encontre du royaume. La princesse est toujours à huit clos au sous-sol de l’établissement.
- Depuis que la princesse a été envoyée ici, donc… Répliqua aussitôt un confrère cultiste.
- Les rumeurs disaient vraies, pensez-vous ? Demanda le professeur des potions.
- De quoi parlez-vous ? Reprit le Perceptiste en s’adressant aux confrères.
- Vous savez bien, même moi qui suis enfermé dans mon laboratoire à potion, j’ai entendu dire que la Perception de la directrice n’aurait pas été aussi perspicace que cela par le passé.
- Taisez-vous ! Gardez vos pensées pour vous-même ! S’énerva le Perceptiste. Si un garde ou n’importe qui d’autre vous entendait tenir de tel propos, vous risqueriez la peine pour trahison. Je tairais vos simagrées, alors n’y songez plus. Dieu Forgeron, parlez-nous de votre recommandation je vous prie. Insista-t-il pour mettre un terme aux ragots.
Ils firent tous un geste de respect et d’excuse envers le Perceptiste, et laissèrent le Forgeron au statut royal reprendre les prouesses de cet élève venant d’une contrée de l’Est.
L’Escorte d’Élite
27ème jour des Lunes d’argent
- Princesse ! Princesse ! S’écriait un garde royal aux portes de la chambre d’entraînement au sous-sol de l’École Royale de Cultiste. Ouvrez ! Je vous en conjure princesse !
Et tandis qu’il frappait contre les portes, la princesse lui apparut en songe, posant sur ses lèvres son index, le priant sagement de se taire. Le garde recula alors silencieusement de quelques pas tandis que les portes s’ouvrirent devant lui et que la directrice sortit. Il l’observa alors avec ses yeux, dans la même position qu’il venait de l’avoir en pensée à l’instant. Et tandis qu’elle marchait vers lui, elle baissa sa main et lui dit d’une voix légère qu’elle comprenait et qu’elle se rendait immédiatement au palais.
Se retournant pour la regarder s’éloigner, le garde remarqua qu’il n’avait plus dit un mot depuis qu’il l’avait vu apparaître dans son esprit, mais qu’il était intimement convaincu qu’elle savait ce qu’il avait l’intention de lui signaler.
À l’entrée du palais, les gardes ne reconnurent pas la princesse qui se présenta dans ses habits de directrice de l’École. De ses grands yeux violacés et de sa longue chevelure de même couleur, elle leur sourit à l’un comme à l’autre de chaque côté de la porte avant que ces derniers, sans n’en comprendre la véritable raison, aient décidé de relever leur lance et de la laisser passer.
Elle se dirigea d’un pas léger, observant avec nostalgie l’architecture de ce palais qu’elle n’avait plus vu depuis deux ans durant, et de la vie qui y siégeait, des servantes qui allaient ça-et-là, des jardiniers qui taillaient toujours si précisément les buissons et nourrissaient les carpes colorées dans l’étang, ou encore ces grands bambous qui décoraient les jardins fluviales. Quand elle arriva enfin devant les marches de la résidence royale, son frère accouru aussitôt vers elle en la serrant fermement dans ses bras, pleurant de joie de la revoir.
- Vous m’avez tellement manqué ma sœur !
- Vous m’avez manqué aussi mon cher frère.
Elle l’observait l’espace d’un instant, et bien qu’il ait grandit et que son don émeraude se soit développé, il restait encore un enfant innocent et apeuré.
- Notre père est-il là ? Demanda-t-elle alors.
- Oui, père et mère sont là. Ils attendaient impatiemment votre arrivée.
Et jetant un bref regard dans l’esprit de son frère, Anelle comprit aussitôt que c’était un mensonge même si son frère Amel n’en savait rien.
Elle entra dans la demeure où sa mère qui était assise au chevet de son époux, ne se leva guère pour saluer sa propre fille. Tandis que son père, allongé et toussotant, regarda sa fille qui avait tant grandit loin de lui. Leurs regards se croisèrent, et Anelle lut les moindres pensées dans son esprit. Il songeait toujours innocemment que l’absence d’assassins ces deux dernières années étaient dû au fait qu’elle n’avait pas été là pour les inventer, et non au fait qu’elle s’en était occupé elle-même tout ce temps. Mais aujourd’hui, son devoir de princesse n’était pas la raison de sa venue. Son père avait quémander l’assistance d’un individu à la réputation extraordinaire, et souhaitait que l’élite de ses forces soient dépêchée pour aller à la rencontre du convoi au départ de la ville d’Amalis en Extrême-Orient, afin de disposer d’une escorte royal qui permettrait à cet individu de rejoindre le palais royal sans encombre.
- Ce sera fait, mon seigneur. Je me mets en route dès à présent. Dit-elle à son père tandis qu’il n’avait pas même énoncer un mot.
- Ma fille…
- Je vous amènerai cet individu comme espérer.
Et se retournant, sans même saluer la reine, sa mère, elle s’en retourna laissant son père dans l’incompréhension la plus totale. Au pied de la bâtisse, retrouvant son frère, elle déposa sa main sur la tête de ce dernier et lui sourit avec tendresse en lui assurant qu’ils se reverraient très bientôt.
